L’avis de l’expert : comment la technologie peut-elle aider à réduire les risques psychosociaux dans les centres de contact modernes ?

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9 minutes de lecture

L’avis de l’expert est une série d’entretiens menés par RingCentral auprès de leaders d’opinion du monde entier, notamment des consultants et des analystes spécialistes des communications unifiées et de l’expérience client. Dans cette série, nous nous intéressons aux grandes problématiques du moment en termes d’UCaaS et de CCaaS.

Ce mois-ci, Ian Nevin, responsable des relations internationales avec les consultants chez RingCentral, s’est entretenu avec Lyn Trewenack, la directrice de BBB Advisory, récemment citée parmi les 100 personnes les plus influentes d’Australie dans le secteur des centres de contact.

Cet entretien a porté sur la manière dont les entreprises peuvent réduire les risques psychosociaux pesant sur la santé mentale et le bien-être des collaborateurs dans les centres de contact.

Pouvez-vous d’abord nous dire quelques mots sur votre parcours et votre expérience dans le secteur des centres de contact ?

Bien sûr ! J’ai 30 ans d’expérience opérationnelle et de conseil dans ce domaine. Mon rôle consiste à mettre en place et à gérer des grands projets complexes relevant des contacts avec la clientèle, dans des secteurs comme les services financiers, l’assurance et l’externalisation.

J’apprécie particulièrement ces moments où l’un de mes projets, clients ou centres est reconnu pour son excellence, que ce soit pour la gestion du projet, le centre de contact lui-même ou sous la forme d’une récompense pour la qualité du service offert. Les projets sur lesquels je travaille consistent en général à mettre sur pied de nouveaux centres de contact, à développer des stratégies relatives à l’expérience client, à concevoir des modèles opérationnels de centres de contact pour des besoins spécifiques, ou à piloter des transformations orientées client dans des contextes déjà existants.

Je suis à la tête de BBB Advisory depuis près de dix ans et j’ai eu la chance de travailler avec certaines des plus grandes entreprises internationales. On me demande aussi régulièrement mon avis lors de discussions, de débats ou d’entretiens sur l’expérience client, comme aujourd’hui !

Merci. Comment la réglementation australienne en matière de santé et de sécurité au travail a-t-elle évolué récemment ?

Elle exige désormais une prise en compte plus approfondie des risques psychosociaux, avec une attention particulière pour les entités avec un turnover et des taux d’absentéisme élevés, comme les centres de contact.

En vertu de cette nouvelle réglementation, les employeurs sont explicitement responsables de l’identification, de l’élimination ou de l’atténuation de ces risques. Les centres de contact doivent donc mener de manière proactive des actions pour assurer le bien-être de leurs employés.

Un cas rendu public récemment par Comcare, l’autorité australienne en charge de la santé au travail, est à ce titre très intéressant. Le centre de contact en question contrevenait aux lois sur la santé et la sécurité au travail en ne traitant pas de manière adéquate les risques psychosociaux immédiats sur l’ensemble du lieu de travail. Et ce, malgré les mesures prises pour augmenter les effectifs et faire évoluer les processus et la technologie afin de mieux gérer la charge de travail. Les entreprises doivent donc s’attaquer rapidement à ces risques.

Quels sont donc les principaux risques psychosociaux dans les centres de contact ?

Pour les collaborateurs des centres de contact en général, dix grands risques ont été identifiés.

  • L’importante charge de travail : une charge de travail excessive, caractérisée par des volumes d’appels élevés et des objectifs exigeants, est susceptible de déclencher chez les collaborateurs du stress, de la fatigue, voire un épuisement professionnel.
  • La charge émotionnelle : les interactions quotidiennes avec des clients mécontents ou irascibles pèsent moralement sur les agents et augmentent le risque d’épuisement émotionnel et de détresse psychologique.
  • La pression du temps : les délais de traitement exigés et les pauses limitées peuvent créer un sentiment de constante pression temporelle, qui se traduit par un stress plus élevé et une moindre satisfaction au travail.
  • La monotonie des tâches : les tâches répétitives, comme la lecture de scripts ou le traitement de demandes similaires, peuvent conduire à la monotonie et à une diminution de la satisfaction professionnelle au fil du temps.
  • Le manque de contrôle : Un sentiment de déresponsabilisation et d’insatisfaction peut naître d’une limitation de l’autonomie et du pouvoir de décision sur les sujets liés au travail.
  • Un poste aux contours mal définis : des missions, responsabilités et attentes en matière de performances mal définies sont source de stress et de mécontentement.
  • Le manque de soutien : un soutien insuffisant de la part des superviseurs ou des collègues, y compris par inadéquation ou manque de feedback, de formation et de conseils, nuit aux performances et augmente le stress.
  • Les horaires irréguliers ou par rotation : les horaires de travail irréguliers, y compris de nuit ou par rotation, perturbent le rythme de sommeil et peuvent avoir un impact négatif sur le bien-être général des employés.
  • Le déséquilibre entre vie professionnelle et vie privée : horaires de travail exigeants, longues heures de travail, flexibilité limitée… Autant d’éléments qui entravent le maintien d’un bon équilibre vie professionnelle-vie privée, avec pour conséquence une augmentation du stress et de la tension.
  • Le manque de reconnaissance : un manque de reconnaissance et de récompenses pour les performances réalisées contribue à réduire la motivation, la satisfaction et l’engagement global des employés des centres de contact.

Quelles sont les causes de ces problèmes ?

Plusieurs facteurs sont à l’origine de ces difficultés : tout d’abord, la manière dont sont gérées les activités. Un modèle qui ne repose que sur des indicateurs clés de performance (taux d’occupation, temps de traitement des appels…) crée une culture peu propice à la bonne santé mentale des employés. Aujourd’hui, la plupart des centres de contact australiens ont une approche différente, malgré certaines exceptions, en particulier dans les centres externalisés. En outre, une trop grande attention est encore portée au temps de parole et à la durée des tâches post-appel.

L’état d’esprit général des clients a aussi évolué vers plus d'émotion. D'une part pour des questions purement économiques (récession, pouvoir d’achat plus limité), mais aussi dans un contexte de plus grande attention portée à la santé mentale et aux violences domestiques, dont les clients parlent parfois aux agents.

Et, bien sûr, la capacité à gérer le stress et à répondre au stress des clients varie d’un agent ou d’un responsable à l’autre.

Quelles mesures les responsables des centres de contact peuvent-ils prendre pour faire face à ces risques ? Quel rôle la technologie peut-elle jouer ?

Excellente question, car les responsables de contact sont tenus d’éliminer les risques, ou tout du moins de les limiter.  Première étape : auto-évaluer le niveau de risque psychosocial du centre de contact. Mon cabinet de conseil vient de mettre au point un outil d’auto-évaluation destiné aux responsables des centres de contact, avec précisément cet objectif.

Une fois cette première étape franchie, vous pouvez vous pencher sur les risques spécifiques et leurs causes sous-jacentes au sein de votre organisation, puis élaborer un plan de suppression ou d’atténuation des risques.  Cela implique généralement l’adaptation des pratiques opérationnelles et la montée en compétence des agents et de leurs responsables.

La technologie peut également apporter sa pierre à cet édifice.

Les solutions de gestion du personnel (WFM pour Workforce Management) et des appels, ainsi que l’omnicanal pour gérer la charge de travail et les volumes d’appels

Les solutions de gestion des ressources humaines aident à prévoir la demande avec précision et à y répondre, à l’aide des bons agents, disposant des compétences nécessaires, au moment adéquat.

Elles peuvent aussi servir à identifier des difficultés : multiplication des pauses, absentéisme récurrent, horaires trop irréguliers (notamment de nuit ou par rotation)…

Autant d’éléments qui peuvent indiquer qu’un collaborateur est en souffrance.

Ces outils de gestion du personnel doivent également offrir une certaine flexibilité, par exemple pour permettre aux agents de se remettre d’une situation stressante.

Autre piste intéressante : utiliser ce type de technologie pour attribuer des créneaux horaires à une équipe et donner à ses membres la liberté de choisir leurs horaires ou d'échanger une période de travail avec un collègue. Les agents ont ainsi plus d’autonomie et plus de contrôle.

Enfin, la combinaison d’outils de gestion d’appels adéquats et de fonctionnalités omnicanales bien pensées peut aider à mieux gérer les volumes d’appels et la charge de travail. Vous pouvez par exemple proposer aux agents de travailler par téléphone mais aussi par d’autres moyens, orienter les appelants vers des réponses en ligne grâce à un SVI ou avoir recours à une messagerie asynchrone en période de pointe. L’omnicanal doit toutefois être mis en œuvre avec précaution et ne pas nuire à la qualité de l’assistance fournie aux clients.

L’IA et le self-service pour réduire la pression du temps, la charge de travail et la monotonie des tâches 

De nombreuses technologies d’IA et d’automatisation, mais aussi d’autres fonctionnalités proposées par les fournisseurs de centres de contact, peuvent contribuer à réduire la pression temporelle et à limiter l’ennui né de la répétition de tâches similaires. N’oubliez cependant pas d’impliquer vos agents dans la mise en place de ces évolutions, de leur expliquer en quoi ces technologies les aideront et laissez-leur le temps d’apprendre à les utiliser. Ce point est essentiel.

De nombreuses possibilités s’offriront alors à vous.

  • Vous pourrez utiliser l’IA pour retranscrire automatiquement les échanges, avec à la clé une réduction du temps de gestion des appels et des tâches post-appel.
  • Les chatbots et le self-service sont des outils efficaces pour gérer des tâches et des demandes simples et fréquentes. Vos agents auront ainsi plus de temps pour gérer des questions plus complexes.
  • Avec un système de gestion des connaissances intégré à des fonctionnalités de CRM et d’IA, vos employés auront accès à l’historique d’un client et pourront lui fournir rapidement les informations adéquates sans avoir à jongler entre des applications et documents multiples.

L’analyse de la parole, le suivi des appels et les réunions vidéo pour gérer la charge émotionnelle et le manque de soutien 

L’analyse de la parole, et plus particulièrement l’analyse du ressenti, permet de repérer les appels à forte charge émotionnelle et de les signaler à un responsable qui pourra ensuite soutenir les agents concernés.

Cette technologie pourra aussi, sur la base d’analyses, vous indiquer d'éventuels problèmes,  Comme par example une file d’attente qui concentre des appels à plus charge émotionnelle. Vous pourrez aussi mieux soutenir ou former vos agents à partir d’informations sur le contenu des appels.

La formation et le coaching sont essentiels pour aider les agents à trouver les mots justes et leur permettre de se préparer à ces conversations difficiles. Ces deux éléments ne doivent pas être systématiquement sacrifiés au nom de l’atteinte des niveaux de service.

Un feedback et des conseils inadéquats peuvent nuire aux performances et augmenter le niveau de stress. Les superviseurs doivent aussi pouvoir suivre les appels, en temps réel ou après-coup. S’ils ne peuvent pas voir les agents en personne, un appel vidéo apporte un plus grand soutien et une touche plus personnelle que des messages par chat.

Des outils de formation et de coaching pour apporter un soutien, améliorer le moral, favoriser la reconnaissance et clarifier les attentes

J’ai déjà fait allusion (lorsque j’ai parlé des réunions vidéo) à l’importance de la formation et du soutien pour le bien-être des agents. L’accès à des ressources de formation et à d’autres types de soutien améliore la satisfaction au travail et la confiance pour les tâches à accomplir.

Voici quelques exemples à explorer dans ce domaine :

  • Gamification : La gamification des performances, de la formation, de la collaboration et même des interactions avec les clients est un excellent moyen d’améliorer le moral des agents et de leur montrer que la qualité de leur travail est reconnue. Certaines plateformes intègrent par exemple des badges, des récompenses et des défis dans leur programme de formation. Certains logiciels de centres de contact proposent également des fonctionnalités de gamification dans le travail au quotidien et incitent les équipes à travailler ensemble pour atteindre un résultat donné.
  • Coaching automatisé en temps réel : les fonctionnalités de traitement du langage naturel analysent ce que disent les clients et suggèrent aux agents certaines actions.
  • Coaching à distance : certains logiciels permettent aux responsables d’écouter les appels et de chuchoter des conseils, sans être entendu du client.

Une technologie qui favorise le travail hybride pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée 

Les solutions de centres de contact permettent de travailler en mode hybride. C’est un mode de fonctionnement qui, nous le savons, offre souvent aux employés un meilleur équilibre ressenti entre vie privée et vie professionnelle, mais aussi plus de contrôle et d’autonomie quant à leur lieu de travail. Les employeurs doivent toutefois être conscients du risque d’isolement et tout faire pour que leurs employés se tentent intégrés et valorisés. Là encore, les visioconférences, la formation et le soutien sont des éléments à considérer. Mais d’autres outils de collaboration interne, comme la messagerie, peuvent également apporter beaucoup, à condition d’être bien utilisés.

En conclusion, notre experte du mois a souligné que…

La technologie n’est pas une panacée. Seul compte l’usage qui en est fait. Peut-on imaginer mission plus gratifiante ? Aider ses clients à tirer parti de la technologie pour créer un meilleur environnement de travail pour les collaborateurs et générer de meilleurs résultats pour l’entreprise, tout en servant au mieux le client final.

Un grand merci à Lyn Trewenack, directrice de BBB Advisory, pour ses réflexions sur la manière dont la technologie peut contribuer à lutter contre les risques psychosociaux dans les centres de contact modernes. Vous trouverez plus d’informations sur le portail et le programme de relations avec les consultants de RingCentral sur notre plateforme.

Publié le 23 Nov, 2023, mis à jour le 30 Nov, 2023

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